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L’Homme et les « drogues », une longue histoire…
La consommation de substances psychoactives est ancestrale. Il y a longtemps que l’homme a découvert les effets de certaines plantes : les feuilles de cannabis et de coca étaient consommées il y a des millénaires ; le tabac était fumé en Amérique il y a plus de 3000 ans ; l’alcool , produit de la fermentation de grains, de fruits ou de racines, était connu des Babyloniens et des Egyptiens ; la médecine grecque antique utilisait l’opium et en signalait déjà les dangers….Ces produits, dont les usages variaient selon les cultures et les traditions, étaient utilisés pour soigner ou lors de fête, rituels ou cérémonies, afin de modifier l’état de conscience et renforcer les liens entre les individus ou avec les entités spirituelles peuplant leur environnement.
Qu’est-ce qu’une substance psychoactive ?
Une substance est dite psychoactive lorsqu’elle agit sur le cerveau, modifiant certaines de ses fonctions, avec comme conséquences :
*des changements au niveau de la perception (visuelle, auditive, corporelle), des sensations, de l’humeur, de la conscience, du comportement ;
*des effets physiques et psychiques variables selon les substances, les doses consommées, les associations de produits.
Les effets ressentis peuvent être perçus comme agréables ou désagréables, notamment selon qu’ils sont recherchés par le consommateur ou non. Certains effets psychiques ou physiques peuvent s’avérer dangereux, soit immédiatement, soit de manière différée, soit encore lorsque les prises sont répétées.
Les substances psychoactives peuvent engendrer des troubles liés à leur usage ou mésusage.
Une substance psychoactive peut-être :
*d’origine naturelle (extraite de plante ou d’un champignon, à l’état quasi brut ou retraitée chimiquement) ou « synthétique » (totalement fabriquée en laboratoire à partir de produits chimiques) ;
*licite (usage et vente autorisés par la loi mais réglementés) ou illicite (usage et trafic interdits par la loi).
Pourquoi préfère-t-on aujourd’hui ce terme à celui de « drogues » ?
Le mot « drogue » peut prêter à confusion car il a plusieurs sens. Autrefois, il désignait un médicament, une préparation des apothicaires (ancêtres des pharmaciens) destinée à soulager une maladie. Puis il a été utilisé pour désigner exclusivement les substances illicites. Aujourd’hui, pour nommer l’ensemble des produits qui agissent sur le cerveau (y compris le tabac et l’alcool), on utilise le terme plus neutre et plus précis de substance psychoactive.
Au XIXème siècle, les chimistes parviennent à identifier et à extraire, à des fins médicales, le principe actif de certaines substances : la cocaïne (utilisée comme anesthésique local ou dans le traitement des maladies respiratoires) est extraite des feuilles de coca ; la morphine, puis l’héroïne (utilisée contre la toux, l’asthme…et l’accoutumance à la morphine) sont extraites de l’opium.
Plus puissantes, ces substances sont également plus dangereuses et les professionnels de santé découvrent peu à peu qu’elles entrainent une mauvaise « balance » bénéfices-risques.
Par ailleurs, elles sont parfois détournées de leur usage de soin.
Dans les années 1920, en Europe et en Amérique du Nord, l’extension relative (limitée alors pour l’essentiel aux milieux scientifiques et artistiques) du nombre de consommateurs entraîne une prise de conscience des dangers de ces produits, que les Etats commencent alors à règlementer pour en limiter ou interdire l’usage non médical. Celui-ci semble ensuite décliner à partir des années 1930 et, au milieu du XXème siècle, il n’est plus considéré comme un problème de santé publique.
A partir des années 1960, cependant, les usages de substances psychoactives redeviennent une préoccupation forte des pouvoirs publics. Le cannabis se diffuse alors plus largement chez les jeunes. Des drogues hallucinogènes (susceptibles de provoquer des hallucinations, comme la mescaline ou le LSD) sont expérimentées. L’héroïne et la cocaïne amorcent également leur retour : favorisée par la constitution ou l’extension de réseaux criminels internationaux, leur consommation- notamment par voie intraveineuse (injection)-se développe dans les années 1970 et 1980 dans les pays occidentaux (dont la France), avec des conséquences parfois dramatiques : surdoses (overdoses), contaminations par le VIH/sida et par le virus de l’hépatite C.
Les Etats réagissent. En 1961 est ratifiée à New York une convention internationale qui établit une liste de produits dits « stupéfiants » interdits ou strictement réglementés. Y figurent notamment la coca, le cannabis, l’opium et de nombreux dérivés (morphine, héroïne, cocaïne…). Une liste complémentaire de substances psychoactives synthétiques (dont les amphétamines) est établie en 1971 lors d’une nouvelle conférence. Une troisième grande convention internationale, en 1988, établit une liste de précurseurs (produits chimiques utilisés pour fabriquer les substances) et renforce la coopération internationale contre le crime organisé et le trafic. Les pays signataires de ces différentes conventions, dont la France, adaptent leur législation à ces textes.
Pour limiter la transmission du VIH chez les usagers de drogues, les pays occidentaux mettent en œuvre des politiques dites de réduction des risques. En France, l’Etat autorise la vente libre de seringues en pharmacie (1987), développe de programmes d’échange de seringues, autorise l’accès des personnes dépendantes à l’héroïne aux médicaments de substitution aux opiacés (MSO) : méthadone en 1995, buprénorphine haut dosage (BHD) en 1996. Les résultats de cette politique sont très positifs, notamment en France, avec une diminution pendant près de vingt ans du nombre de surdoses (overdoses) et des contaminations par le VIH, ainsi qu’un net affaiblissement de la demande d’héroïne.
Au cours des années 1990, le développement en Europe du mouvement culturel alternatif techno s’accompagne de la diffusion de l’usage d’une substance amphétaminique, la MDMA (ecstasy) dont les effets apparaissent en phase avec cet univers : endurance (pour danser toute la nuit, voire plusieurs jours de suite), ressenti particulier de la musique, sentiment d’empathie et désinhibition favorisant la convivialité. La MDMA n’est pas le seul produit consommé dans ce cadre : le cannabis y est très largement consommé ; la cocaïne, les amphétamines ou les substances hallucinogènes y sont également expérimentées. Les substances y sont peu injectées, mais avalées, sniffées ou fumées. Au début des années 2000, le nombre d’amateurs de musique techno augmente considérablement et les codes culturels attachés à ce mouvement se diluent, avec une diffusion plus large de ces substances «associées à la « fête ».
Aujourd’hui, le cannabis est régulièrement consommé par un grand nombre de jeunes, même si une majorité (57.5% des jeunes de 17 ans) ne l’a jamais expérimenté. A un niveau de consommation certes très inférieur (3.8% des 18-64 ans déclaraient l’avoir expérimenté en 2010), la cocaïne se diffuse au-delà de son public favorisé d’origine. De nouvelles substances de synthèse sont diffusées via internet. Les usagers de substances psychoactives illicites autres que le cannabis sont peu nombreux mais beaucoup d’entre eux sont des poly consommateurs, c’est-à-dire qu’ils consomment plusieurs substances. En revanche, une majorité des expérimentateurs ou des usagers de cannabis n’a jamais consommé d’autres produits illicites.
Les agences internationales et les Etats essaient de s’adapter à une offre et une demande en constante évolution, et de démanteler les cultures illicites et les trafics. Les listes de produits psychoactifs interdits ou réglementés sont régulièrement actualisées pour y inclure les nouvelles substances de synthèse. Chaque pays tente d’articuler au mieux réglementation, prévention, réduction des risques, accompagnement et soin, afin de réduire les problèmes sanitaires et sociaux liés à la consommation de ces substances.
Elodie, le 6 septembre 2016