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DIVINES

 

Nationalité : français, film de 2016

Avec OulayaAmamra(Dounia) ,Déborah Lukumuena(Maimouna) ,

Kevin Mishel(Djigui) ...

Synopsis

Dounia vit dans une cité en bordure de l'A3 et passe ses journées avec son amie Maimouna. Pour s'en sortir, elles volent des sodas au supermarché et les revendent à la récréation. Elles végètent en BEP «accueil». Elles rêvent de gagner beaucoup d'argent et pensent avoir trouvé le moyen en travaillant pour Rebecca, une dealeuse respectée qui s'offre des «boytoys» et se fait conduire en décapotable. Alors qu'elle gravit les échelons dans la criminalité, Dounia rencontre Djigui, un jeune danseur...

Analyse

Des mouflettes de banlieue, tchatche et rage de vivre chevillées au corps, on en a vu beaucoup, depuis L'Esquive d'Abdellatif Kechiche jusqu'à Bande de filles de Céline Sciamma. Mais les deux gamines de Divines ne ressemblent qu'à elles-mêmes. Elles forment ensemble un tourbillon, passant à pleine vitesse du comique au tragique et de la chronique sociale au polar haute tension. La réalisatrice récupère et brasse tous les clichés qui traînent au pied des cités pour en faire quelque chose d'étonnamment neuf, de frais et singulier. Rien que dans leur apparence, les inséparables Dounia et Maimounia, perpétuellement en maraude dans leur quartier désolé, se distinguent du lot commun. La première, dissimulant sa beauté sous d'informes blousons masculins, est aussi menue, tendue et énervée que la seconde est grande, costaude, douce et enveloppante.

 

Le film prend le temps de nous faire vivre et goûter leur amitié à la vie à la mort, comme on n'en expérimente qu'à l'adolescence. De vidéos sur télépho­ne portable en chahuts divers, soudées contre le reste du monde, elles jouent les affranchies dans un milieu bien plus dur qu'elles, et qu'elles aspirent naïvement à conquérir. Leur innocence se déguise en audace.

Dounia, qui vit avec une mère paumée, dans un bidonville coincé entre les tours et l'autoroute, veut prendre le chemin le plus court pour sortir de la misère. « Money, money, money », répète-t-elle sans cesse. Mantra magique, porte d'entrée vers beaucoup d'ennuis, et manière, pour la réalisatrice, de suggérer la puissance nocive de l'imaginaire ultralibéral. Dounia décide, donc, de se faire embaucher par le caïd du coin : Rebecca...

C'est l'autre force du film : aussi dangereuse et fêlée que le premier trafiquant mâle venu, Rebecca use agressivement de toutes les armes de la virilité, violence, postures et charisme inclus. Cette inversion des genres, ludique et gonflée, aboutit à des répliques inoubliables, tel ce « Toi, t'as du clito ! », lancé par la chef de bande pour saluer le courage de Dounia. D'ailleurs, le rôle le plus « féminin », dans cette histoire en miroir, est tenu par un garçon, passionné de danse, dont Dounia vient contempler les répétitions en cachette. Cette histoire d'amour naissant suggère une autre issue à la tyrannie de l'argent, une sortie de secours par l'art. Ce pourrait être naïf, mais ces scènes-là, magistralement chorégraphiées, expriment avec force le désir, le rêve et l'apprivoisement.

A mesure qu'il plonge dans la noirceur du polar, qu'il referme le piège sur ses héroïnes, Divines perd un peu de son originalité. Il reste, malgré tout, l'une des révélations de l'année, notamment grâce au talent inouï de ses jeunes interprètes. Dans le rôle de Dounia, une inconnue, OulayaAmamra, crève l'écran : une grande actrice vient de naître. — Cécile Mury

Analyse extraite de Télérama

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